Les questions concernant l’efficacité des psychothérapies se réfèrent aux bénéfices qu’elle produit, sa puissance, son impact sur les clients, ou sa capacité à améliorer la qualité de vie des gens. Les comparaisons statistiques conventionnelles entre groupes nous disent très peu à propos de l’efficacité d’une psychothérapie (Jacobson & Thruax, 1991). 

 

Les limites de la comparaison statistiquement significative entre groupes

La démarche actuelle consiste à comparer si les scores cliniques du groupe « traitement » sont différents de ceux du groupe « traitement contrôle » ou « liste d’attente » (2). Pour ce faire, on va vérifier qu’il y ait une différence dite statistiquement significative entre ces groupes, c’est-à-dire que d’un point de vue statistique, il faut que le risque que cette différence soit due au hasard se situe sous la barre de la p-valeur. La p-valeur est souvent fixée à 5% ou à 1%. Mais cette approche a plusieurs grosses limites :

  • Ce n’est pas parce qu’il y a une différence statistiquement significative que cette différence a un impact clinique réel. Un exemple frappant est la synthèse d’études empiriques de Fratarolli qui porte sur l’écriture thérapeutique. Frattaroli (3) a de son côté obtenu un d de Cohen de 0.151 comme taille d’effet global, ce qui malgré la significativité, est très faible. La chercheuse explique que cela peut être représenté à titre de comparaison comme si « la symptômatologie de 54% des participants du groupe traitement va s’améliorer, alors que ce chiffre s’élève à 46 % pour le groupe traitement contrôle »(ibid, p.851).
  • Ce n’est pas parce qu’il y a une différence entre groupes, même élevée d’un point de vue clinique, que tous les participants vont réagir au traitement de la même façon. Par exemple, on sait que pour l’Exposition Prolongée appliquée au SSPT, 35 pourcents des participants présenteront encore un SSPT après les 12 séances de traitement (4).

 

La nécessité d’une plus grande préoccupation pour l’efficacité psychothérapeutique

Le fait qu’une différence entre groupes soit statistiquement significative ne doit pas être un but, mais simplement un indicateur sur l’interprétation que l’on pourra faire des résultats. Mais c’est comme si aujourd’hui, dans une partie du monde de la recherche, on ne se préoccupait plus que du score à des questionnaires en relation avec la p-valeur, et non de ce qu’on peut concrètement attendre du traitement pour les patients. Il est nécessaire que la recherche en psychologie clinique évolue vers de nouveaux indicateurs cliniques et statistiques tels que :

  • Le pourcentage de patients du groupe traitement qui présentent encore les critères cliniques ciblés à la fin du traitement et lors du suivi. Galvoski & ses Collaborateurs (5) ont réalisé une étude se basant sur ces critères pour évaluer la thérapie du retraitement cognitif pour le syndrome du stress post-traumatique. Cette méthode à permis de montrer que 35 % des participiants présentaient encore un diagnostic clinique significatif après 12 séances, mais que ce nombre tombait sous les 10% après 18 séances.
  • La probabilité qu’un patient pris au hasard dans le groupe traitement ne présente plus les critères cliniques ciblés à la fin du traitement et lors du suivi. Cette probabilité peut également se présenter sous forme de probabilité conditionnelle en fonction de critères spécifiques (sexe, âge, mode de vie, sévérité des symptômes, …).

Conclusion

Comme le recommandent Kendall & Norton-Ford (6), il convient d’analyser tant la significativité statistique que l’amélioration clinique dans le cadre de l’évaluation de l’efficacité des psychothérapies. Il faut pouvoir faire évoluer les standards de la recherche en psychologie clinique pour qu’elle se focalise davantage sur le développement et la validation des traitements les plus efficaces pour traiter les troubles psychologiques invalidants pour la qualité de vie des populations.

SOURCES

 

  1. Jacobson, N. S., & Truax, P. (1992). Clinical significance : A statistical approach to defining meaningful change in psychotherapy research. Methodological Issues & Strategies in Clinical Research., 631-648. doi:10.1037/10109-042
  2. https://formationcps.com/psychologie-empirique-contemporaine/ , conulté le 29/11/20
  3. Fratarolli, J. ( 2006). Experimental disclosure and its moderators: A meta-analysis. Psychological Bulletin,132( 6), 823–865. doi: 10.1037/0033-2909.132.6.823
  4. Grunert, B. K., Weis, J. M., Smucker, M. R., & Christianson, H. F. (2007). Imagery rescripting and reprocessing therapy after failed prolonged exposure for post-traumatic stress disorder following industrial injury. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, 38(4), 317–328. doi: 10.1016/j.jbtep.2007.10.005
  5. Galovski, T. E., Blain, L. M., Mott, J. M., Elwood, L., & Houle, T. (2012). Manualized therapy for PTSD: Flexing the structure of cognitive processing therapy. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 80(6), 968–981. doi: 10.1037/a0030600
  6. Kendall, P C., & Norton-Ford, J. D. (1982). Therapy outcome research methods. In P. C. Kendall & J. N. Butcher (Eds.), Handbook of research methods in clinical psychology (pp. 429-460). New York: Wiley

Pierre Orban

Psychologue Clinicien – Formateur FCPS