Cet article présente les précautions et les adaptations aux procédures pour le traitement du syndrome du stress post traumatique en temps de confinement.

Introduction

Il est nécessaire que les professionnels spécialisés dans le traitement du Syndrome du Stress Post Traumatique (SSPT) puissent continuer à prendre en charge les personnes qui en sont atteintes sachant qu’il s’agit d’un trouble très invalidant. La prise en charge du SSPT en période de confinement peut poser plusieurs contraintes qui peuvent nécessiter des précautions supplémentaires et des ajustements des protocoles. Concrètement, la Commission des Psychologues a précisé trois conditions pour que les consultations puissent être effectuée en cabinet (1) : (a) cela doit concerner un client pour qui une téléconsultation par téléphone ou en ligne n’est pas envisageable, (b)cela concerne un patient pour qui l’accompagnement ne peut être interrompu sans risque de décompensation, qui nécessiterait une aide d’urgence et enfin (c) les mesures d’hygiène doivent pouvoir être respectées (le patient n’est pas malade, les mains sont lavées, la distance sociale est respectée et les lieux sont adaptés). Pour le reste, c’est la téléconsultation qui doit être envisagée.

Nous envisagerons dans un premier temps les cas où un suivi en cabinet est nécessaire. Dans un second temps, nous examinerons les adaptations protocolaires pertinentes pour une psychothérapie en ligne.

Quand une consultation en cabinet est-elle nécessaire?

Une consultation en cabinet doit être envisagée dans les cas suivants :

– Si lors de la prise d’information sur le trauma, la personne est très déstructurée ou submergée par ses émotions. Cela peut indiquer ce que Foa, Hembrée et Rothbaum (2) nomment une « sur-réaction » avec deux sous-types possibles : une hyperactivation de l’amygdale et peu de contrôle des zones frontales et (3) un trouble dissociatif avec morcellement mnésique.

– Pour la même raison que celle évoquée au premier point, les personnes qui ont oublié des grandes parties de l’événement ou qui perdent par moment contact avec la réalité tout en revivant des images intrusives. Les méthodes de stabilisation, de réencrage et de narration seront alors nécessaires (4).

– Pour les personnes qui présentent des idées suicidaires, des envies de mutilation ou qui ont des antécédents de passages à l’acte auto-agressifs.

– Les personnes qui présentent une anxiété trop grande ou une confiance trop faible pour envisager un traitement centré sur le trauma par vidéo-conférence et pour qui la poursuite des méthodes de stabilisation est insuffisante. Nous considérons que cela implique que le suivi par vidéo-conférence est inenvisageable.

 

Adaptation des protocoles EMDR, EP et TRC par téléconférence

– Les adaptations que nous recommandons pour l’application du protocole d’Exposition Prolongée en ligne sont les suivantes :

Premièrement, nous recommandons d’inviter le patient à garder les yeux ouverts dans un premier temps pour qu’il puisse voir le thérapeute. Si le SUD est en-dessous de 7, il est possible de le faire les yeux fermés.

Deuxièmement, nous recommandons de mesurer régulièrement les SUD pour percevoir quel est l’état émotionnel du patient.

Troisièmement, nous recommandons de parler régulièrement pour encourager le patient « c’est bien », « continuez comme cela », « que s’est-il passé ensuite », …

Quatrièmement, lors du debriefing, veillez à bien investiguer comment est-ce qu’il a vécu le fait que vous soyez en contact par téléconférence.

Cinquièmement, les expositions in vivo doivent être adaptées au confinement.

– L’EMDR, même complémentée avec éléments de TRC, ne constitue à notre sens pas un traitement de choix pour la prise en charge en ligne du SSPT. Quoi qu’il en soit, les adaptations que nous proposons pour l’application en ligne de l’EMDR sont les suivantes :

Premièrement, mesurer régulièrement les SUDS.

Deuxièmement, le mouvement oculaire peut être substitué par une simple tâche concurrente sollicitant l’attention visuo-spatiale. Les plus « puristes » garderont une tâche attentionnelle « bilatérale ». Le patient peut alors pratiquer le tapping par lui-même. La technique du papillon consiste à pratiquer le tapping en mettant les mains en croix sur la poitrine. C’est l’une des très nombreuses variantes possibles.

Troisièmement, il faut d’autant plus recourir aux tissages cognitifs et aux clarifications.

– Les thérapies cognitives pour le traitement du SSPT sont celles qui nous semblent les plus adéquates pour une application par téléconférence. Si la méthode utilisée est uniquement celle du dialogue socratique autour des Cognitions Négatives, il n’y a pas d’adaptation particulière à mettre en place. Si le thérapeute opte pour la thérapie du retraitement cognitif de Resick, Monson et Chard (6), il sera nécessaire de pouvoir partager son écran pour fournir les fiches d’exemples au moment d’introduire les exercices. Les thérapies cognitives ayant de très bons résultats (7), nous recommandons que le thérapeute choisisse ce qui lui semble le plus confortable.

Remarques générales

Plusieurs points d’attention doivent par ailleurs être observés pour les suivis thérapeutiques par téléconférence :

– Le cadre doit être maintenu, en termes de ponctualité, de disponibilité, de code vestimentaire pour le praticien, …

– Il est important de pouvoir très bien entendre tout ce que dit le patient. Si la connexion internet est insuffisante, nous recommandons de garder l’image de la téléconférence et de l’appeler simultanément.

– L’EP et la TCR impliquent en principe une passation régulière de la PCLS-5. Une solution est de la transposer dans un fichier Excel.

– Chez les patients hésitants, il peut être pertinent d’expliquer que c’est une pratique fréquente au Canada par exemple (8) et que l’efficacité des thérapies par téléconférence est documentée (9,10).

Les thérapeutes qui souhaitent trouver davantage d’informations sur les consultations par téléconférence peuvent consulter la page de CPS-Emotions (8).

SOURCES

1. Mail du 18 mars de la Commission des Psychologues, https://mailchi.mp/eecc81d34657/newsletter-fevrier2020-3964942?e=95a41670d5

2. Foa, E. B., Hembree, E. A., & Rothbaum, B. O. (2007). Prolonged exposure therapy for PTSD emotional processing of traumatic experiences ; therapist guide. Oxford: Oxford Univ. Press.

3. Friedman, M. J. (2016). Handbook of Ptsd: science and practice. New York: Guilford Press.

4. Resick, P. A., Suvak, M. K., Johnides, B. D., Mitchell, K. S., & Iverson, K. M. (2012). The Impact Of Dissociation On Ptsd Treatment With Cognitive Processing Therapy. Depression and Anxiety, 29(8), 718-730. doi:10.1002/da.21938

5. American Psychiatric Association. (2017). Diagnostic and statistical manual of mental disorders: Dsm-5. Arlington, VA.

6. Resick, P., Monson, C., & Chard, K. (2017) Cognitive Processing Therapy for Ptsd A Comprehensive Manual. Guilford Pubn

7. Watts, B. V., Schnurr, P. P., Mayo, L., Young-Xu, Y., Weeks, W. B., & Friedman, M. J. (2013). Meta-Analysis of the Efficacy of Treatments for Posttraumatic Stress Disorder. The Journal of Clinical Psychiatry, 74(06). doi:10.4088/jcp.12r08225

8. SPRL, W. (n.d.). Dossier spécial Covid-19 – Ressources pour les professionnels. Retrieved April 11, 2020, from https://www.cps-emotions.be/covid_pro.php#

9. Dongier, M.; Templer, R., Lalinec-Michaud, M., Meuneir, D. “Telepsychiatry: Psychiatric consultation through two-way television: A controlled study.”. Canadian Journal of Psychiatry 31: 32-34

10. Barak, A., Hen, L., Meyran, B. and Na’ama, S. (2008). “A Comprehensive Review and a Meta-Analysis of the Effectiveness of Internet-Based Psychotherapeutic Interventions.” Journal of Technology in Human Services, Vol. 26 (2/4), 109 – 160

Pierre Orban

Psychologue Clinicien – Formateur FCPS