La spécificité principale de la thérapie EMDR est certainement l’introduction du mouvement oculaire. Mais que faut-il penser de son efficacité au regard des données scientifiques actuelles? 

LA CRITIQUE D’OST ET EASTON

En 2006, dans leur article lapidaire envers l’EMDR intitulé «NICE recommande l’EMDR pour le trouble du stress post-traumatique. Pourquoi ? » (1), Ost et Easton avancent que le mouvement oculaire n’a aucun effet. Et il est vrai qu’à l’époque, les quelques études exploratoires allaient dans ce sens. De plus, le bon sens (ou le principe du rasoir d’Occam) poussait à trouver extravaguant d’ajouter un mouvement oculaire à un protocole thérapeutique alors qu’aucun modèle fiable n’allait dans ce sens et que les données sur l’efficacité étaient très pauvres.

Ost et Easton ont donc été dans la direction de Mc Nally selon qui : « Ce qui est efficace en EMDR n’est pas nouveau, et ce qui est nouveau n’est pas efficace. » Mais que peut-on en dire dix ans plus tard ?

LES DONNÉES EN FAVEUR D’UNE VALEUR AJOUTÉE DU MOUVEMENT OCULAIRE

 

Au moment où ils ont publié leur article, Ost et Easton avaient de bonnes raisons d’affirmer que le mouvement oculaire était une bizarrerie inutile. En effet, plusieurs études avaient indiqué son inefficacité. Toutefois, dans une méta-analyse publiée en 2013 et incluant un plus grand nombre d’études, y compris non-publiées, Lee et Cuijpers (2) ont obtenus des résultats en faveur du mouvement oculaire.

Premièrement, à partir de quinze études comparant l’EMDR avec et sans le mouvement oculaire, ils ont trouvé un avantage modéré à inclure le mouvement oculaire. Deuxièmement, à partir d’onze études réalisées hors d’un contexte thérapeutique, ils ont montré que le mouvement oculaire avait un effet large sur l’intensité du souvenir (vividness).

Comme le reconnaissent Lee et Cuijpers, il faut rester prudent face à ces résultats. Tout d’abord, la qualité méthodologique des études inclues n’était pas optimale. Ensuite, seule une étude avait masqué aux participants la condition dans laquelle il se trouvait (expérimentale ou contrôle). Enfin, le nombre de participants et d’études inclues était relativement restreint. Par ailleurs, cela ne permet pas d’affirmer que c’est spécifiquement le mouvement oculaire qui produit cet effet. 

 

 

LA SATURATION ATTENTIONNELLE DES AIRES VISUO-SPATIALES

Dans leur livre intitulé « imagerie mentale et psychothérapie » Ceschi et Pictet (2018) rapportent les résultats d’études permettant d’expliquer l’efficacité du mouvement occulaire. Voyons plutôt: « D’autres doubles tâches telles que dessiner, compter à rebours ou jouer avec de la pâte à modeler, ont également montré leur effiacité sur la réduction de la détression associée à l’évocation d’une image traumatique (…). Une étude de van den Hout et collaborateurs (2011) indique qu’une part importante de cet effet « d’estompage affectif » de la tâche concurrente serait attribuable à la charge cognitive associée à l’exécution de toute double tâche, avec un effet supplémentaire (relativement faible) plus spécifiquement attribuable à la modalité visuo-spatiale. »(5)

Cet effet de saturation attentionnelle remet à la fois en question l’importance du mouvement oculaire et de la bilatéralité attentionnelle dans la psychothérapie des traumas.

 

EN RÉSUMÉ

Des résultats à considérer avec prudence indiquent un effet thérapeutique modéré du mouvement oculaire sur l’estompage affectif. Cette efficacité serait liée à la saturation attentionnelle avec un léger avantage pour la saturation attentionnelle liée aux aires visuo-spatiales.

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Pour se former

SOURCES

 

1. Ost, J., et Easton, S. (2006). NICE recommends EMDR for Post Traumatic Stress Disorder: Why? Clinical Psychology Forum, 159, 23-26.

2. Lee, C. W., et Cuijpers, P. (2013). A meta-analysis of the contribution of eye movements in processing emotional memories. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, 44(2), 231-239. doi:10.1016/j.jbtep.2012.11.001

3. Shapiro (2007), Manuel d’EMDR: Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires

4. Bauman, W., et Melnyk, W. (1994). A controlled comparison of eye movements and finger tapping in the treatment of test anxiety. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, 25(1), 29-33. doi:10.1016/0005-7916(94)90060-4

5. Ceschi, G., et Pictet, A. (2018) Imagerie mentale et Psychothérapie, p.157

Pierre Orban

Psychologue Clinicien – Formateur FCPS